samedi 22 mai 2010

La visite


Maria s'étendit sur le lit et observa au plafond l'ombre des objets formée par la bougie, Tchaikovsky raisonnant en fond. Soudain la bougie s'éteignit ne laissant que la lumière de la lune, filtrée par les rideaux, comme éclairage. Maria se demanda vaguement comment, mais elle sombrait déjà dans le sommeil. Puis, alors qu'elle allait s'endormir totalement, tout son corps se crispa, elle s'éveilla et s'assit sur son lit prise d'une étrange angoisse. La musique de fond tournait en boucle, le disque avait déraillé et ne sortait plus qu'une note stridente infiniment répétée. Un homme se tenait sur le fauteuil tantôt vide. Maria chercha à tâtons l'interrupteur de la lampe essayant en même temps de donner une raison logique à cette forme sur le fauteuil. Peut être un tas de vêtements, un chapeau qu'elle avait oublié ou... La lumière jaillit et Maria fut surprise de voir les traits d'un homme bien réel à la place de l'ombre. Elle fut toute aussi surprise de ne pas avoir peur. Elle sembla le reconnaitre, l'homme avait des traits familiers ou plutôt si anodins qu'ils semblaient familiers, ce sentiment la rassura étrangement. L'homme se leva souriant, alluma une cigarette et observa les tableaux aux murs puis les objets sur les étagères avec un certain amusement, s'ensuivit ce dialogue:
"Je suis toujours assez fasciné quand je regarde l'intérieur des gens, je veux dire leur appartement, leur maison, leur chambre. Qu'il soit vide ou encombré il révèle toujours une partie de la vie de son propriétaire. Vous vous avez beaucoup de photos. Il me semble que vous n'aimez pas vieillir.
-Qui...
-Qui suis je? Voyons est-ce vraiment une question à poser. Ce n'est pas la première fois que nous nous voyons. J'ai quelque peu changé, je l'avoue. Vous par contre (il la dévisagea de haut en bas, son regard semblait si perçant qu'elle se senti mise à nue) vous êtes toujours aussi belle.
-Pourquoi êtes vous ici?
-Encore une question inutile Maria. (il s'approcha et s'assit lui aussi sur le lit) Vous ne posez pas les bonnes questions. Ce n'est pas pour votre peau que je suis là, enfin (il ria) oui et non, vous m'avez compris. (il effleura son bras et remonta jusqu'à sa joue) tu es douce ma petite fille. (il se releva soudain comme s'il avait été électrifié) Quel âge avez vous depuis tout ce temps, dix, cent ans? Enfin remarque ce n'est pas très important... Tu ne dis rien?
-J'ai peur.
-Ne t'en fais pas, expire doucement. Ça ira. Tu n'as rien de prévu demain j'espère.
-J'ai d'autres projets, Faust.
-Faust? C'est comme ça que tu m'appelles maintenant? Mais demain nous devons nous voir.
Maria se mit à pleurer.
-Je te dis que j'ai d'autres projets, en fait j'en ai même plein, je ne veux pas que tu rentres dans ma vie ni ce soir ni demain ni dans dix ans.
-Peux tu m'en empêcher? Tu ne peux pas me tuer.
-Tu es injuste, j'ai trop de peine, je t'en pris ne viens pas tout gâcher. J'ai un fiancé maintenant tu sais, tout se passe très bien entre nous, je me suis enfin remise de l'amour dont tu m'as privé jadis.
-Et tu sais que j'en suis désolé et je suis heureux que tu ais pu trouver quelqu'un d'autre à aimer. Mais aujourd'hui je ne peux te laisser me filer entre les doigts encore une fois, tu as vécu trop de temps loin de moi, tu n'aurais pas du m'oublier, tu n'aurais pas du tenter de te cacher de moi. Je te désire si fort. Je voudrais te prendre, t'embrasser, cueillir cette fleur, que tu succombes à mon amour, que tu me donnes bien plus qu'à ton stupide fiancé. Je voudrais posséder de toi jusqu'à ta vie.
Maria se jeta à ses pieds.
-Par pitié, laisse moi, laisse moi profiter encore un peu de cette nouvelle vie. Il est vrai que je t'ai, moi aussi, longtemps désiré, quand Faust est parti j'ai cru mourir. Je t'ai appelé sans arrêt, t'aimant et te détestant à la fois. Pourquoi m'avais tu fait tant de mal, pourquoi avais tu emporté avec toi mon amour. Mais petit à petit j'ai oublié. Parce que de toute façon pour ne pas devenir folle il fallait oublier, m'éloigner de toi, de ton contact, oublier mon désir de ne faire qu'un avec toi. J'ai rencontré Henry qui m'a aidé à me guérir. Et maintenant je veux être sa femme. Ne lui inflige pas la peine que j'ai vécu.
-Tu ne veux pas revoir ton Faust? Tu ne veux pas le toucher à nouveau?
-Oh... Il me manque chaque seconde. Mais... Laisse moi en paix.
-Maria enfin, on ne m'échappe pas. Y as tu cru un instant? Ce soir je suis venu pour toi. Il est trop tard, regarde ton corps sur le lit, il est déjà tombé.
Maria, les larmes aux yeux, se vit inerte et vieille sur le lit. La pauvre pensa t-elle, soudain plus sereine. Elle se tourna vers "Faust" qui l'invita à le suivre dans l'ombre. Elle hésita un instant mais l'attirance qu'elle avait pour lui l'emporta. Elle l'aimait trop pour le fuir. Ils disparurent tout deux dans la nuit. La musique reprit alors sa chevauché endiablée. Piano, violent. Mais tout se finit par un soupir.

6 commentaires:

pierre le cornec a dit…

I love your writing, the way your mind flows.....

Féebrile a dit…

how do you know, you don't understand French ...

pierre le cornec a dit…

Google translation, and another one as well... Of course, I know it is even better in French, but, as you've pointed out, I am lacking experience in your beautiful language.....

Anonyme a dit…

Je n'sais pas ce qui me mène a vous écrire... Depuis des années je suis vos photos et vos textes, je ne suis pas la seule et j'imagine que tous les jours vous devez lire ce genre de commentaire anonyme qui doivent vous distraire. Je viens donc à vous, monopoliser votre attention pour quelques minutes et j'avouerais que cela me remplie d'une certaine émotion. Écrire est une chose, être lue en est une autre.
Mon nom vous ne le connaissez pas, et si j'osais le dévoilez je ne pense pas que vous le retiendrez, mon intention par ce long (maux) dénué de sang(se) est assez simple, vous remercier. Je prends un grand plaisir à vous lire et à remarquer que mes pensées sont aussi les vôtres, une sorte d'identification si on peut dire, même si la douleur est un brin différent. J'espère un jour écrire aussi bien que vous et arriver à capter l'attention de "mes" lecteurs comme vous l'avez fait avec moi.
Maladroitement :-)

Féebrile a dit…

Faut pas croire je n'ai pas tant de message et ça me fait très plaisir, surtout sur un texte! Merci quoi.

Anonyme a dit…

Vous êtes très douée, vraiment