samedi 11 septembre 2010

Le procès

J'ai retrouvé d'anciennes nouvelles et j'ai décidé de les republier ici pour avoir des avis, car au fond secrètement j'aimerais faire une publication papier de nouvelles.

"Vous êtes coupable d'avoir proféré des cochonneries. Lard, truie, jarret, jambon, saucisse, boudin. La parole est à la défonce.
- Il se trouve mon saigneur que je suis végéta-rien. Que, bien que j'ai caché un cochon sous mon évier, ce n'était que pour qu'il puisse avaler les restes de mon repas. Et si je me suis pris pour une truie, c'est parce que le pauvre avait oublié comment c'était une femme cochon, à rester enfermé comme ça. Ce n'est pas ma faute si ma voisine est entrée, sans toquer, au moment où j'étais nu, criant "truie truie trucidé ça fera du bon patté".
L'affaire est réglée, on me libère, mais on ne me rend pas mon cochon. C'est bientôt midi, il semble logique que sa place ne soit plus avec moi. Je sors et vais voir la mer. Elle s'est faite belle pour moi, elle s'est fait pousser des bateaux un peu partout dans ses creux. Je me jetterais bien à elle. Mais c'est écrit de ne rien jeter. J'ai les yeux qui ramollissent à cause du seul. Je lui dis au revoir, elle se fracasse. Moi aussi. Je rentre. Ma femme est sur le canapé. La même position que tout à l'heure. Je lui parle du cochon, elle ne crie pas. Je lui demande si elle n'en a pas assez de rester comme ça, et je crois que non. Elle est sûrement fâchée parce que je ne l'ai plus embrassée depuis longtemps. Mais ses lèvres en pomme ridée me repoussent. Elles me rappellent les miennes, mes mains, mes pieds, mon pénis. Y a un élastique qui a craqué quelque part et la peau c'est affalée dans tout les coins. Tout ce gras qui pend. Pan! J'ai fait semblant de l'oublier pendant longtemps. Mais quand je voyais ces jeunes filles en bas de la rue, fraîches, lisses, je la détestais. Oui, je suis allé chanter pour les croiser, je chantais "la mer" de Trenet, avec mes tatouages de vieux marin amer, elles s'extasiaient. Je ne bandais pas quand elles me laissaient les caresser mais j'oubliais que le temps avait passé. Je me souvenais de ma femme avant, comme je l'aimais, comme c'était bon d'être simplement là, à ses côtés. Quand je rentrais, ma joie retrouvée se brisait sur son sourire tordu, ses "où étais tu". Sa bouche grimaçait, ses bras se secouaient, la peau vide partait dans tout les sens. Je voulais qu'elle se taise. Je voulais qu'elle ait aussi mal que moi. Qu'elle n'oublie pas, que la vie ne peut être rattrapée, que malgré qu'il n'y ai plus rien a faire, on continue quand même de respirer, que l'horloge continue d'avancer, que ses aiguilles se plantent dans nos yeux et que le monde s'en fout et s'enfuit. Je voulais qu'on ait peur ensemble, comme avant. Mais plus voir nos cadavres de peau faire semblant d'aimer le soleil, d'aimer les autres, juste parce qu'on refuse de ne plus exister.
J'ai rêvé, j'ouvre les yeux, je suis encore au tribunal. Plusieurs hommes m'emmènent sur une chaise reliée à plein de fils. Je pose des questions sans cesse, excédé l'un d'eux me répond "Vous avec tué votre femme, vous l'avez étranglée sur le canapé en hurlant des noms de vi(an)de, vous êtes devenu fou. Maintenant vous devez expier votre faute". Je comprends alors et je ris.


L'écume des soirs - 2007

3 commentaires:

gritche a dit…

les jeux de mots sont réjouissants. Par contre, je n'ai pas bien compris le fin mot de l'histoire : un homme se prend pour un truie, il est jugé pour avoir proféré des cochonnerie, ou pour avoir tué sa femme ?

Féebrile a dit…

Pour avoir tué sa femme, il a halluciné le reste

gritche a dit…

ouais j'ai mal lu.. en fait c'est plutôt clair.
cette manière d'écrire me rappelle Vian et du coup, je suis parti du principe que le rêve est mêlé à la réalité dans ta nouvelle.